De l’Euphrate au Tigre

Ce jeudi 12 septembre, nous quittons notre magnifique bivouac du Nemrut Dagi. Nous redescendons lentement en première ou deuxième afin d’économiser nos freins.

La descente est plus facile que la montée et se passe bien. Nous continuons vers l’Est. Nous nous arrêtons près d’un très beau pont sur l’Euphrate pour prendre le café en face de l’ancien terminal des ferries qui traversaient le lac avant la construction du pont.

Tout au long de la route, nous constatons de plus en plus de militaires et de blindés légers le long de la route, nous passons sans être arrêtés de plus en plus de checkpoints. Nous sommes dans une région peuplée par les Kurdes, qui plus est pas à moins de cent kilomètres de la frontière syrienne.

Nous passons par Diyarbakir où nous nous arrêtons pour déjeuner. Il fait torride. Cette ville ressemble à une ville de garnison avec de très nombreuses casernes protégées par des miradors, des portails lourds, des mitrailleuses etc. C’est assez inquiétant.

Nous reprenons la route vers Batman, ville assez coquette, que nous traversons. Nous arrivons en fin d’après-midi à Hasankeyf où nous nous installons le long du Tigre, sur le parking d’un restaurant. Nous sommes abordés par un Kurde qui parle l’anglais et nous proposent ses services pour visiter la région. Nous partageons notre apéro avec lui. Nous dînons de poissons grillés par notre hôte.

Notre guide appelle Cerise, une journaliste freelance française vivant à Istanbul nous rejoint et nous explique la détresse de la population d’Hasankeyf.

Nous apprenons que l’endroit où nous nous trouvons sera submergé dans les prochains mois par 35 mètres d’eau. C’est assez difficile à imaginer alors que nous voyons autour de nous de nombreuses habitations troglodytes, des ouvrages fort anciens comme les vestiges d’un ancien pont et une petite ville. Tout va être englouti.

La ville d’Hasankeyf, sur les bords du Tigre, a 12.000 ans d’histoire. Son patrimoine archéologique exceptionnel (monuments assyriens, romains et ottomans, maisons troglodytes millénaires, vestiges d’un pont en pierre et d’une mosquée du 12e siècle…) remplit neuf des dix critères nécessaires à son classement au patrimoine mondial de l’Unesco. Ayse Acar Basaran, députée (HDP) de la province de Batman interviewée en septembre dernier à Ankara a déclaré: « Hasankeyf n’appartient pas seulement au peuple kurde. Des syriaques, turcs, kurdes, arabes, des milliers d’êtres humains ont vécu sur cette terre, et là-bas s’est construite leur histoire ». Malgré l’engagement du gouvernement de déplacer certains de ces monuments, la plupart seront engloutis par le barrage.

Sur une distance de 75 kilomètres, 85 villages vont être engloutis et seulement deux villes ont été construites pour reloger les habitants. Une maison dans l’ancienne ville coûtait 50 à 80.000€ contre 175.000€ dans la nouvelle ville. Quand nous demandons à notre guide kurde si la population recevait des aides, il nous répond que le gouvernement leur prend des choses à la pelle mécanique et leur distille des aides à la cuillère à thé. 55.000 personnes vont être déplacées. La population s’en va dans les grandes villes comme Batman. C’est une catastrophe pour la population kurde et on comprend mieux la présence de 100.000 militaires dans la région.

Nous visiterons demain la ville et allons nous coucher non sans avoir pris des nouvelles de nos amis restés à Nafpaktos. Tout continue à aller bien pour eux.

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