Relâche à Tusba

Samedi 14 septembre 2019, après une nuit tranquille sur notre chemin, nous roulons quelques kilomètres vers la ville de Gevas. Nous nous arrêtons vers 10H00 dans un petit camping au bord du lac et situé à 6 km de la ville.

Cette journée de repos, nous permettra de lessiver, nettoyer et réparer ce qui doit l’être. Nous irons à la ville refaire le plein de nos frigos, de légumes frais, de pain etc.

Le camping est sommaire mais agréable au bord du lac, en face d’une île sur laquelle est bâtie une église.

Nous allons faire quelques achats à Gevas, Deux supérettes et beaucoup de boutiques font notre bonheur pour faire le plein de fruits et de légumes. Il y a très peu de femmes dans la ville et certaines accompagnant leur mari portent le niqab.

On voit pas mal d’hélicoptères dans le ciel durant la matinée. Nous apprenons en soirée qu’une opération militaire a permis de neutraliser cinq terroristes à Gevas samedi à l’aube.

Des manifestations auraient eu lieu dans plusieurs villes de l’Est de l’Anatolie. La population exigeant le retour des enfants enlevés par le PKK pour combattre dans leurs rangs.

Dans la soirée, nous appelons Étienne. Marie Thé resplendissante est en pleine forme. Leur ferry avec cabine est réservé mardi après-midi. Ils seront un jour plus tard à Ancône et quelques jours plus tard à Angers.

Hasankeyf ville bientôt engloutie

Après nos discussions de la veille, je recherche des informations sur Internet et constate que la Turquie bloque le site de Wikipedia de même que tous les articles critique envers son Président.

J’apprends également qu’hier soir, des rebelles kurdes ont attaqué des travailleurs à Diyarbakir. Il y aurait 4 morts et 13 blessés.

Ce vendredi 13, nous partons visiter la ville où de nombreux travaux se terminent à la hâte, l’eau aura tout submergé en février 2020.

On voit au loin la nouvelle ville grise sur l’horizon. Sur une colline, on voit une pelle mécanique entourée de personnes qui attendent. Ils viennent enlever les restes de leurs défunts pour les enterrer dans un nouveau cimetière.

On voit à l’horizon le mausolée Zeynel Bey qui a été déplace en 2017.

Seuls 7 monuments seront déplacés, tout le reste sera englouti. Le barrage d’Ilisu est un désastre archéologique et humain nous dit on.

Nous visitons la rue commerçante, une mosquée troglodyte et les travaux du futur port construit au pied du château qui deviendra une île.

Nous achetons du Kebab pour le déjeuner et reprenons la route après celui-ci vers le lac de Van.

Les paysages sont toujours aussi magnifiques dans la plaine et les montagnes traversées. Il est 18 heures quand nous commençons à chercher un bivouac près de la ville de Tatvan. Il n’y a pas grand chose et finalement nous décidons d’aller vers un lieu trouvé dans Park4night. Le chemin pour y arriver est pourri et le point GPS pas bien localisé.

A la recherche du parking, je m’engage dans un chemin qui s’avère assez vite être un piège pour les camping-cars et j’ai les plus grande difficultés à faire demi-tour et à le remonter. Mes roues patinent, tout comme mon embrayage et Trankilou est balloté dans tous les sens.

Il fait noir quand Georges décide que nous dormirons, garé en file indienne, dans un chemin qui mène au lac.

De l’Euphrate au Tigre

Ce jeudi 12 septembre, nous quittons notre magnifique bivouac du Nemrut Dagi. Nous redescendons lentement en première ou deuxième afin d’économiser nos freins.

La descente est plus facile que la montée et se passe bien. Nous continuons vers l’Est. Nous nous arrêtons près d’un très beau pont sur l’Euphrate pour prendre le café en face de l’ancien terminal des ferries qui traversaient le lac avant la construction du pont.

Tout au long de la route, nous constatons de plus en plus de militaires et de blindés légers le long de la route, nous passons sans être arrêtés de plus en plus de checkpoints. Nous sommes dans une région peuplée par les Kurdes, qui plus est pas à moins de cent kilomètres de la frontière syrienne.

Nous passons par Diyarbakir où nous nous arrêtons pour déjeuner. Il fait torride. Cette ville ressemble à une ville de garnison avec de très nombreuses casernes protégées par des miradors, des portails lourds, des mitrailleuses etc. C’est assez inquiétant.

Nous reprenons la route vers Batman, ville assez coquette, que nous traversons. Nous arrivons en fin d’après-midi à Hasankeyf où nous nous installons le long du Tigre, sur le parking d’un restaurant. Nous sommes abordés par un Kurde qui parle l’anglais et nous proposent ses services pour visiter la région. Nous partageons notre apéro avec lui. Nous dînons de poissons grillés par notre hôte.

Notre guide appelle Cerise, une journaliste freelance française vivant à Istanbul nous rejoint et nous explique la détresse de la population d’Hasankeyf.

Nous apprenons que l’endroit où nous nous trouvons sera submergé dans les prochains mois par 35 mètres d’eau. C’est assez difficile à imaginer alors que nous voyons autour de nous de nombreuses habitations troglodytes, des ouvrages fort anciens comme les vestiges d’un ancien pont et une petite ville. Tout va être englouti.

La ville d’Hasankeyf, sur les bords du Tigre, a 12.000 ans d’histoire. Son patrimoine archéologique exceptionnel (monuments assyriens, romains et ottomans, maisons troglodytes millénaires, vestiges d’un pont en pierre et d’une mosquée du 12e siècle…) remplit neuf des dix critères nécessaires à son classement au patrimoine mondial de l’Unesco. Ayse Acar Basaran, députée (HDP) de la province de Batman interviewée en septembre dernier à Ankara a déclaré: « Hasankeyf n’appartient pas seulement au peuple kurde. Des syriaques, turcs, kurdes, arabes, des milliers d’êtres humains ont vécu sur cette terre, et là-bas s’est construite leur histoire ». Malgré l’engagement du gouvernement de déplacer certains de ces monuments, la plupart seront engloutis par le barrage.

Sur une distance de 75 kilomètres, 85 villages vont être engloutis et seulement deux villes ont été construites pour reloger les habitants. Une maison dans l’ancienne ville coûtait 50 à 80.000€ contre 175.000€ dans la nouvelle ville. Quand nous demandons à notre guide kurde si la population recevait des aides, il nous répond que le gouvernement leur prend des choses à la pelle mécanique et leur distille des aides à la cuillère à thé. 55.000 personnes vont être déplacées. La population s’en va dans les grandes villes comme Batman. C’est une catastrophe pour la population kurde et on comprend mieux la présence de 100.000 militaires dans la région.

Nous visiterons demain la ville et allons nous coucher non sans avoir pris des nouvelles de nos amis restés à Nafpaktos. Tout continue à aller bien pour eux.