Les Bieszczady, vallée de l’Ostawa et le peuple Lemko.

Lundi 11 septembre 2023

Grasse matinée ce matin après une nuit tranquille, nous avons pu prendre tout notre temps ce matin. Ulla court ivre de bonheur et de liberté dans les prairies autour de l’église. Elle joue à cours après moi si tu m’attrapes. Il fait beau même si la brume occulte un peu l’horizon.

En milieu de matinée, nous partons vers le centre commercial (sic) de Sanok, en fait un Intermarché et une galerie commerciale avec quelques boutiques mais rien de transcendant. Nous quittons Sanok pour nous rejoindre nos amis et compagnons de voyage. Notre route nous conduira dans les Carpates près de la frontière ukrainienne mais aussi celles de la Roumanie, Bulgarie et Slovaquie.

Nous roulons sur une route en très bon état située qui serpente dans les Bieszczady. Dans la vallée de l’Ostawa, les Lemkos y ont construit au début du 19ème siècle des églises en bois de la religion greco-orthodoxe. Elles ont été converties en églises catholiques romaines au milieu du 20ème avant d’être restituées à leur église originale.


Le peuple Lemko:
Dans le sud-est de la Pologne, dans les Basses Beskides, se trouve une terre appelée Lemkivshchyna. Aujourd’hui isolé et peu peuplé, ce territoire est le foyer ancestral de l’une des minorités les plus distinctes d’Europe : les Lemkos. Qui sont-ils et pourquoi vivent-ils en exil ?

Les Lemkos sont l’une des quatre minorités ethniques autochtones qui habitent actuellement la Pologne (avec les Tatars, les Karaïtes de Crimée et les Roms). Bien que leur origine fasse encore l’objet de discussions académiques, la version la plus probable veut que le groupe ethnique se soit formé à la suite de l’installation au XVIe siècle des Rusynes et des Valaques dans les Basses Beskides et de leur mélange avec les habitants polonais de cette région.

Entre le XVIe et le XIXe siècle, les Lemkos ont forgé leur propre identité distinctive basée sur leur culture traditionnelle, leur propre langue (lemko) et leur affiliation à l’Église gréco-catholique ukrainienne ou à l’Église orthodoxe orientale. Depuis lors, les Lemkos sont constamment sous la pression des dirigeants (ou agresseurs) ultérieurs des Basses Beskides : Pologne, Autriche-Hongrie, Ukraine ou Empire russe. Dans ces circonstances, de manière typique pour une minorité petite mais distinctive, ils ont déployé de nombreux efforts pour établir avec leur pays patron un partenariat stable qui garantira leur existence paisible et leurs droits. C’est ainsi que se sont façonnées les trois composantes principales de leur identité nationale.

Selon les siècles et le climat politique, différents groupes de Lemkos revendiquaient des identités nationales différentes (polonaise, ukrainienne, russe). Alors qu’avant la Seconde Guerre mondiale, les factions pro-russes et pro-ukrainiennes étaient les plus prépondérantes, aujourd’hui, la moitié de tous les Lemkos vivant en Pologne ne déclarent aucune autre identité que Lemko, tandis que l’autre moitié se déclare d’origine lemko et citoyen polonais. Seules quelques centaines de Lemkos déclarent la nationalité russe ou ukrainienne.

Après la Première Guerre mondiale, le président Thomas Woodrow Wilson a déclaré le droit des nations à l’autodétermination. Grâce à cette doctrine et aux dispositions du Traité de Versailles, la Pologne a retrouvé son indépendance après 123 ans de domination par les puissances voisines (Autriche-Hongrie, Empire russe et Royaume de Prusse). En conséquence, les Basses Beskides et leur population Lemko allaient bientôt devenir polonaises.

Alors que les frontières restaient instables au cours des mois qui suivirent la guerre, les Lemko décidèrent de profiter de leur droit nouvellement acquis à déterminer eux-mêmes leur appartenance et fondèrent la République de Komancza – un État Lemko indépendant d’orientation pro-ukrainienne, visant à établir une union avec l’Ukraine occidentale. La république naissante a existé pendant moins de deux mois, supprimée par l’armée polonaise pendant la guerre polono-ukrainienne de 1918-1919. Même si la Pologne était l’un des plus grands bénéficiaires du droit à l’autodétermination, les autorités polonaises n’étaient pas disposées à accepter l’autodétermination des minorités polonaises.

Après la chute de la République de Komancza, un groupe pro-russe prit la tête des Lemkos. Cette faction plus forte et plus large était dirigée par un avocat, Jarosław Kaczmarczyk, qui était conscient que la seule façon pour un État Lemko de survivre était d’obtenir des garanties officielles de son existence légale de la part des principaux acteurs de la Conférence de paix de Paris. Les délégués de Lemko n’ont cependant pas réussi à se rendre à Paris en raison de l’ingérence du gouvernement polonais.

Finalement, le 5 décembre 1918, les représentants de la majorité des villes et villages lemko décidèrent de prendre les choses en main et proclamèrent la fondation de la République Lemko (parfois appelée République Lemko-Rusyn) – avec son propre gouvernement, sa propre administration et son propre gouvernement. police. L’idée était de légitimer l’existence de l’État en montrant qu’il pouvait se gouverner efficacement et ensuite rechercher le soutien des vainqueurs de la Première Guerre mondiale.

La république nouvellement fondée n’a pas été reconnue par la Pologne (ni par aucun autre pays), mais a réussi à durer jusqu’en 1920. Le Traité de Saint-Germain et la Paix de Riga ont finalement cédé Lemkivshchyna, comme on l’appelait, à la Pologne. Disposant d’un document légitime prouvant son droit sur cette région, le gouvernement polonais a commencé à appliquer la loi polonaise, par exemple en appelant Lemkos dans l’armée polonaise, engagée dans une guerre contre les bolcheviks.

Toute résistance se heurtait à une réaction énergique de la part du gouvernement polonais et bientôt, tous les dirigeants de la République Lemko furent arrêtés et confrontés aux accusations les plus sévères possibles. Finalement, le jury les acquitta, mais la république fut perdue à jamais. Les Lemkos ne sont plus qu’une minorité ethnique en Pologne et la culture de leur culture traditionnelle se heurte à de nombreux autres obstacles dans les années à venir.

En 1939, environ 140 000 Lemkos vivaient à Lemkivshchyna, mais la Seconde Guerre mondiale et ses conséquences se sont révélées être un tournant dans leur histoire. Le premier coup fut porté par l’armée soviétique lorsqu’elle réinstalla de force environ 90 000 Lemkos. Ils ont été transportés au plus profond de l’Union soviétique et la grande majorité d’entre eux n’en sont jamais revenus.

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale et la prise du pouvoir par le gouvernement communiste satellite en Pologne, Lemkivshchyna est devenue l’un des territoires soumis à l’opération Vistule – une réinstallation forcée des minorités ukrainiennes, lemkos et boykos à l’intérieur de la Pologne, d’est en ouest et du nord (donc vers la Récupération). Territoires). Le but de l’opération était de disperser une population qui aurait pu constituer une base de soutien pour l’armée insurrectionnelle ukrainienne, engagée dans une guérilla avec le régime communiste en Pologne et remettant en question les nouvelles frontières d’après-guerre. Même si les Lemkos n’avaient pratiquement rien à voir avec l’armée insurrectionnelle ukrainienne et n’avaient jamais officiellement rejoint en grand nombre un groupe opposé au régime, 35 000 d’entre eux furent réinstallés à l’ouest et au sud de la Pologne.

Selon le recensement de 2011, il y a environ 10 500 Lemkos en Pologne, dont 7 000 se déclarent d’abord Lemko et 5 000 la considèrent comme leur seule identité nationale. Le plus important est que ces chiffres ont presque doublé depuis le précédent recensement de 2002, ce qui prouve qu’ils ne se sentent plus contraints de déclarer ouvertement leur identité Lemko et de perpétuer leurs traditions. Cependant, plus de 50 % des Lemkos vivent en Basse-Silésie (donc sur l’un des territoires récupérés) et en Petite-Pologne, avec seulement une très petite population vivant à Lemkivshchyna.

La plupart des Lemkos parlent lemko à la maison et presque tout le groupe déclare son affiliation à l’ Église orthodoxe orientale . Depuis 1991, ils peuvent officiellement apprendre la langue lemko à l’école et depuis 2000, à l’Institut de philologie russe de l’Université pédagogique de Cracovie, les étudiants peuvent choisir le lemko comme spécialisation. Néanmoins, leur diasporisation s’est avérée irréversible ; Les Lemkos ne sont pas retournés à Lekivshchyna et beaucoup d’entre eux se sont assimilés là où ils ont été réinstallés, mais beaucoup d’entre eux considèrent toujours les Basses Beskides comme leur patrie. C’est ici que se déroulent les plus grands watras – des réunions destinées à apprécier la culture Lemko et à inculquer un sentiment de communauté.

Les paysages sont magnifique et très verts, toujours pas de bétail dans les pâtures. Nous nous arrêtons à la gare de Majdan (Cisna) pour y visiter le musée de la réhabilitation de la ligne ferroviaire à voie étroite et peut-être de prendre ce train à vapeur pour une courte excursion. À la fin du 19ème siècle, l’enclavement de la région était telle que les Autrichiens décidèrent de relier Cisna à la ligne L’viv Budapest. La ligne fut utilisée au cours du 20ème siècle tantôt par l’armée autrichienne, tantôt par l’occupant nazi, puis par les Russes. Aujourd’hui un segment de la ligne tirée par une locomotive vapeur au charbon relie quelques villages.

A notre arrivée, la grille du site est à moitié ouverte et une dame nous fait signe de faire demi-tour et de nous en aller. Impossible de visiter et au ton de la dame qui nous invective en polonais, nous n’insistons pas.

Nous continuons notre chemin et retrouvons nos amis au pied du mont Polonia. Nous y passerons la nuit avant de continuer notre périple demain.

Sanok, le musée en plein air Skansen.

Dimanche 10 septembre 2023.

Notre camping est bien équipé avec de très grandes parcelles. A l’extérieur de la ville, il est en pleine nature au bord d’un gros ruisseau. A la promenade matinale d’Ulla, je rencontre des petits chevreuils qui finissent par s’enfuir lorsque je m’en rapproche.

Une fois les services faits, nous repartons vers Sanok pour visiter le musée en plein air Skansen. Comme son homologue à Stockholm, ce Skansen est un écomusée où sont présentés toutes sortes de métiers et constructions typiques de la région.

A l’entrée du site, le montage d’un marché de produits locaux est en cours. Un grand podium sonorisé est en cours de montage. Des groupes de danses folkloriques s’y produiront dans la journée. Nous arrivons avant l’heure d’ouverture du site et prenons nos billets. A l’entrée, un gardien me fait comprendre qu’Ullla doit porter une muselière pour rentrer sur le site. On en rigole mais lui ne plaisante pas. Finalement une employée après avoir l’avoir vue, dis aux gardes de la laisser passer.

Le Parc ethnographique et musée-skansen (Muzeum Budownictwa Ludowego) de Sanok compte parmi les plus grands musées en plein air de Pologne. Sur la rive droite de la rivière San, on trouve une reconstitution de nombreuses habitations anciennes typiques de la région avec leurs intérieurs tels qu’ils étaient autrefois.

Etabli en 1958, il jouit d’une renommée internationale. Il présente les constructions des différents groupes ethniques ayant vécu dans la région jusqu’en 1947, soit une bonne centaine d’habitats en bois du XVIIe au XXe siècle, ainsi que des églises, des moulins et des ateliers d’artisans. Le site est exceptionnel et nous fait penser à l’écomusée d’Alsace que nous avons visité l’année dernière à Ungersheim.

Ces maisons typiques de la région ont été assemblées à l’ancienne. La plupart des toits sont en tuiles en bois. Ces dernières se recouvrent peu et sont ici de section triangulaire avec rainure et languette qui permet de les assembler et de donner une certaine rigidité à l’ensemble du toit.

On retrouve la poste, la pharmacie, la forge, la ferme, l’église en bois, la synagogue et tous les anciens métiers des villages de la région. Les intérieurs nous permettent d’imaginer la vie parfois rude de l’époque. L’odeur du pain qui sort du four nous attire vers la boulangerie où nous achetons du pain et des pâtisseries.

La matinée est vite passée et nous sortons pour déjeuner dans nos camping-cars. Après le café, notre groupe se sépare en deux, un groupe qui part en randonnée faire l’ascension du Mont Polonia et un groupe qui restera l’après-midi pour visiter la ville. Nous nous retrouverons demain soir au bivouac du Mont Polonia, jouxtant la frontière ukrainienne.

Notre groupe visite le piétonnier du centre ville. Il fait beau mais malheureusement les magasins sont tous fermés le dimanche. Nous nous rattraperons demain matin au centre commercial.

En fin d’après-midi, nous rejoignons note bivouac pour la nuit, trouvé sur l’application Park4Night, outil indispensable des camping-caristes. La sortie du musée Skansen produit de nombreux bouchons et la police a fort à faire pour dégager les carrefours. La sortie du parking du musée passe par un antique pont métallique sur la rivière San. Il est impossible de s’y croiser et nous devons l’emprunter. Le policier qui détourne le trafic nous autorise à le franchir. Une fois sur l’autre rive, nous rejoignons par une route fort étroite entre les villas, le parking d’une église. L’endroit est bucolique et nous y serons bien.